mercredi 11 juin 2014

Al-Qaida en Irak et en Syrie : les supplétifs de l’Otan

La mise au jour des liens unissant le Premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, à Al-Qaida bouleverse la politique turque. Non seulement Ankara soutenait très activement le terrorisme en Syrie, mais il le faisait dans le cadre d’une stratégie de l’Otan.
Pour Thierry Meyssan, l’affaire montre aussi le caractère factice des groupes armés qui luttent contre l’État et le peuple syriens. C’est la première fois depuis le 11-Septembre qu’un chef de gouvernement de l’Otan est surpris la main dans le sac, en train de travailler personnellement avec Al-Qaida.
Jusqu’à présent, les autorités des États membres de l’Otan affirment que la mouvance jihadiste internationale, qu’elles soutenaient à sa formation, lors de la guerre en Afghanistan contre les Soviétiques (1979), se serait retournée contre elles lors de la libération du Koweït (1991).
 
Elles accusent Al-Qaida d’avoir attaqué les ambassades US au Kenya et en Tanzanie (1998) et d’avoir fomenté les attentats du 11 septembre 2001, mais admettent qu’après la mort officielle d’Oussama Ben Laden (2011), certains éléments jihadistes auraient à nouveau collaboré avec eux en Libye et en Syrie. Toutefois, Washington aurait mit fin à ce rapprochement tactique en décembre 2012.
 
Or, cette version est démentie par les faits : Al-Qaida a toujours combattu les mêmes ennemis que l’Alliance atlantique, ainsi que le révèle une fois de plus le scandale qui secoue actuellement la Turquie.
 
On apprend que le « banquier d’Al-Qaida », Yasin al-Qadi —qui était désigné comme tel et recherché par les États-Unis depuis les attentats contre leurs ambassades au Kenya et en Tanzanie (1998)— était un ami personnel à la fois de l’ancien vice-président US Dick Cheney et de l’actuel Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan.
 
On découvre que ce « terroriste » menait grand train de vie et voyageait en avion privé en se moquant des sanctions des Nations Unies à son encontre. Ainsi, a t-il rendu visite au moins quatre fois à M. Erdoğan en 2012, arrivant par le second aéroport d’Istanbul où, les caméras de surveillance ayant été déconnectées, il était accueilli par le chef de la garde du Premier ministre, sans passer par les douanes.
 
Selon les policiers et magistrats turcs qui ont révélé ces informations et incarcéré les enfants de plusieurs ministres impliqués dans l’affaire, le 17 décembre 2013 —avant d’être dessaisis de l’enquête voire relevés de leurs fonctions par le Premier ministre—, Yasin al-Qadi et Recep Tayyip Erdoğan avaient mis au point un vaste système de détournement de fonds pour financer Al-Qaida en Syrie.
 
Au moment même où cet incroyable double-jeu était mis en lumière, la gendarmerie turque arrêtait à proximité de la frontière syrienne un camion transportant des armes destinées à Al-Qaida. Parmi les trois personnes interpellées, l’une déclarait convoyer le chargement pour le compte de l’IHH, l’association « humanitaire » des Frères musulmans turcs, tandis qu’une autre affirmait être un agent secret turc en mission. En définitive, le gouverneur interdisait à la police et à la justice de faire leur travail, confirmait que ce transport était une opération secrète du MIT (les services secrets turcs), et ordonnait que la camion et son chargement puissent reprendre la route.
 
L’enquête montre également que le financement turc d’Al-Qaida utilisait une filière iranienne à la fois pour agir sous couverture en Syrie et pour mener des opérations terroristes en Iran. L’Otan disposait déjà de complicités à Téhéran durant l’opération « Iran-Contras » dans des milieux proches de l’ancien président Rafsandjani, tel le cheikh Rohani, devenu l’actuel président.
 
Ces faits interviennent alors que l’opposition politique syrienne en exil lance une nouvelle théorie à la veille de la Conférence de Genève 2 : le Front al-Nosra et l’Émirat islamique en Irak et au Levant (ÉIIL) ne seraient que de faux nez des services secrets syriens chargés d’affoler la population pour la rabattre vers le régime. La seule opposition armée serait donc celle de l’Armée syrienne libre (ASL) qui reconnaît son autorité. Il n’y aurait pas de problème de représentativité à la Conférence de paix.
 
Nous serions donc priés d’oublier tout le bien que la même opposition en exil disait d’Al-Qaida depuis trois ans ainsi que le silence des États membres de l’Otan sur la généralisation du terrorisme en Syrie.
 
Dès lors, si l’on peut admettre que la plupart des dirigeants de l’Alliance atlantique ignoraient tout du soutien de leur organisation au terrorisme international, on doit aussi admettre que l’Otan est le principal responsable mondial du terrorisme.

Irak : Al-Qaïda s'empare de Mossoul

Les terroristes islamistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL, branche d'Al-Qaïda) se sont emparés de la province de Ninive et de son chef-lieu Mossoul, dans le nord de l’Irak. "Ils menacent toute la région", ont estimé les États-Unis mardi. Les "qui" sont à l’origine de ça ? Toujours les mêmes. Les jihadistes patrouillent donc dans la deuxième ville d’Irak et ont appelé les fonctionnaires à reprendre leur travail. Les autorités disent vouloir armer les civils. L’EIIL, lui, projette d’aller jusqu’à Bagdad. D’où viennent leurs armes ? De Syrie, bien sûr. Qui les arment ? Toujours les mêmes.
On parle de l’Irak aujourd’hui comme de ces pays de fondamentalistes religieux et obscurantistes, assassins à leurs heures perdues, à la poursuite d’un idéal extrémiste et islamiste, que le Coran ne leur enseigne pas… Plus de 1000 morts par mois depuis plus de 10 ans aujourd’hui, ce pays se meurt, se vide de son sang, de son essence aussi, sans mauvais jeux de mots, de maux !
La France vient de célébrer les 70 ans du débarquement allié en Normandie, l’Afrique à qui on refuse tout devoir de mémoire, qui n’a pas le droit d’associer la traite négrière, encore moins la colonisation à ses ennuis actuels, et qui avait son lot de morts venus libérer cette France, n’était même pas citée, pas souvenue, oubliée… Le débarquement, tous les ans, c’est un devoir de mémoire, la France s’y attèle, ses alliés aussi… Le mépris du rôle du Nègre et de l'Arabe, c’est aussi un devoir de mémoire, se souvenir qu’il ne faut surtout pas se souvenir d’un détail, un choix donc, le point de vue d’une élite, la race aryenne suprémaciste et condescendante. Et ça s’appelle le déni de mémoire. Un devoir…

Qui se souvient que l’Irak n’a pas toujours été ce pays de barbares, qui se font sauter à l’aide d’explosifs, criant à chaque fois le nom d’un Allah qui les méprise ? Et du coup, c’est la mémoire qui flanche… George Bush le catholique, issu de cette élite qui sait toujours tout et mieux que quiconque, ce qui est bien pour d’autres, avait pourtant eu de bonnes et belles intentions pour ce pays jadis paisible… Contrat aujourd’hui pleinement rempli.
Le berceau des grandes civilisations, parmi les plus anciennes de notre humanité, le pays qui avait vu naître l’écriture il y a 5000 ans n’avait pas toujours été (heureusement) ce karaoké géant d’assassinats, ni ce bal d’attentats suicides qu’on lui connaît aujourd’hui !
Ne pas dire tous les jours qui passent, à l’annonce de chaque trucidé irakien ou de l’écroulement d’un pan du mur de notre humanité, dont ce pays était jadis le vestige, que l’Irak qui ne nous renvoie aujourd’hui que ce sentiment de désolation, d’effroi et d’horreur, n’est que la volonté politique, géostratégique et impérialiste de ces ogres qui font de la disparition des plus faibles, leurs hormones de croissance, est un autre crime…
Le faire ou pas, c’est aussi un devoir de mémoire… Comme un jardin, il faut l’arroser, pour l’entretenir.
 Yves Kouotou

Témoignage : « À Mossoul, les cadavres sont abandonnés par centaines »

Un religieux de Mossoul (Irak) réfugié à Qaraqosh témoigne par mail, mardi 10 juin 2014, des exactions commises par les groupes de l’État islamique en Irak et au Levant (EEIL).

Il raconte l’exode tragique des populations chrétiennes comme musulmanes, la prise du couvent syrien orthodoxe de Mar Behnam et le refus du Kurdistan d’accueillir la totalité des réfugiés…

« Je vous écris depuis Qaraqosh, dans une situation très critique et apocalyptique de violence à Mossoul. Plusieurs milliers d’hommes armés des groupes islamistes de Da’sh (État islamique en Irak et au Levant, ad-Dawla al-Islāmiyya fi al-’Irāq wa-sh-Shām en arabe) ont attaqué la ville de Mossoul depuis deux jours. D’après les chiffres non officiels, plus de 300 véhicules et 7000 hommes armés et masqués y sont entrés dans la nuit de lundi à mardi dans la ville, et la dominent aujourd’hui.

La plupart des habitants de la ville ont déjà abandonné leurs maisons et fui dans les villages où ils logent à la belle étoile, sans rien à manger ni à boire. Les groupes islamistes assassinent petits et grands. Les cadavres, d’après les témoins, se comptent par centaines. Ils sont abandonnés dans les rues et dans les maisons sans pitié. Les forces régulières et l’armée ont fui elles aussi la ville, ainsi que le gouverneur Al Nujaifi. Plus de trois mille familles, chrétiennes et musulmanes, ont déjà quitté la ville vers les villages de Tel Keif, Bartella, Qaraqosh et autres.

Qaraqosh est envahie par les réfugiés de toutes sortes, sans nourriture et sans logement. Aux check points, les forces kurdes empêchent les vagues innombrables des réfugiés d’entrer au Kurdistan. Les forces kurdes, les peshmergas, protègent jusque-là les villages dans les zones disputées (entre Kurdes et Arabes, NDLR) de la province de Ninive. Ce que nous vivons et ce que nous voyons depuis deux jours est horrible et catastrophique.

Le couvent de Mar Behnam, à l’est de Qaraqosh, est tombé ce matin entre les mains des rebelles. Un seul moine, le père abbé, est resté sur place ! Les voici, on les voit tout près du côté ouest de notre village de cinquante mille habitants. C’est la grande panique dans les familles… Les enfants sont traumatisés. Plusieurs centaines de familles réfugiées sont entrées à Qaraqosh, ou se dirigent vers Erbil, épuisées et sans abri… Priez pour nous. Désolé, je ne peux plus continuer à vous écrire… »
Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner

Commentaires

1- Selon des experts, l’EIIL est constitué en grande partie en Irak d’ex-cadres et membres des services de sécurité de Saddam Hussein ayant rejoint la rébellion après l’invasion américaine de 2003. Les troupes irakiennes, formées par les Etats-Unis qui avaient auparavant dissous l’armée de Saddam Hussein, n’ont jamais réussi à devenir une véritable force armée.
Les terroristes wahhabites avancent vers la capitale Bagdad dans une offensive fulgurante qui a poussé à la fuite environ un demi-million d’habitants. Ils ont enlevé le consul turc à Mossoul, deuxième ville d’Irak qu’ils contrôlent, en plus de 24 membres de son personnel, a annoncé un responsable de la police irakienne. Selon un responsable turc, les preneurs d’otages retiendraient 48 personnes, dont des enfants. Retour de bâton pour Erdogan qui a financé ces jihadistes en Syrie…Qui sème le vent récolte la tempête.

2- Les Etats-Unis se servent de l’EIIL pour occuper à nouveau l’Irak, affirme le chercheur en géopolitique Tonny Cartalucci pour le site « Land Destroyer Report » dans un article intitulé « America's Covert Re-Invasion of Iraq »

L’auteur s’arrête sur le fait que les terroristes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) sont des éléments hautement armés et  très bien entrainés. Ils  ont traversé les frontières de la Syrie et de la Turquie, "sans être repérés", pour s’infiltrer à l’intérieur de l’Irak et occuper très vite les villes de Mossoul et de Tikrit et menacer la capitale irakienne, Bagdad.
Il s’étonne que les agences de renseignements américaines qui disposent d’équipements de surveillance en Irak, dont des drones de reconnaissance n’ont pas réussi à détecter d’avance les mouvements et les déplacements des miliciens de l’EIIL.
Alors que ces derniers parviennent à piller les banques et à collecter des aides financières via Internet, les autorités américaines se disent surprises par leur avancée très rapide, tandis que leurs drones sont régulièrement en mission pour collecter des informations.
Cartalucci révèle que cela fait trois ans que la CIA est active tout au long des frontières entre la Turquie et la Syrie, pour surveiller le processus d’armement et d’entrainement des miliciens soi-disant « modérés » qui combattent contre le gouvernement du président Bachar al-Assad. Curieusement, les experts de la CIA prétendent avoir été surpris par le cours des événements.
Il rappelle à cet égard que le quotidien libanais Daily Star, avait écrit en mars 2014 que les terroristes de l’EIIL avait transféré leurs miliciens des provinces syriennes d’Idlib et de Lattaquié pour les installer près des frontières entre la Syrie et l’Irak. Et de s’interroger : si un quotidien libanais pouvait le savoir en mars, comment pourra-t-on croire que la CIA ne serait pas informée ?
La réponse est peut-être simple : la CIA était bien au courant, mais préfère faire semblant de l’ignorer, assure Cartalucci.
Révélant que les Etats-Unis, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar ont dépensé en trois années des millions de dollars pour armer et former les terroristes en Syrie, il se dit persuadé que l’Occident attaque de nouveau l’Irak, par l’intermédiaire des miliciens de l’EIIL, pour le réoccuper à nouveau.



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