mardi 13 août 2013

Algérie, Egypte, Tunisie : face au progrès, l’internationale islamiste !

Les similitudes de l’Egypte et de l’Algérie sont fortes. Deux projets de société s’y opposent frontalement.

La rue en est le miroir parfait. L’un, totalitaire, tire la société entière vers le passé, le second, démocratique, est celui de l’avenir et de l’ouverture aux valeurs universelles. Il est revendiqué par l’immense majorité du peuple.

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التراس الفريق عبد الفتاح السيسي

#Hossam‎Pendant longtemps on a voulu occulter le fait que l’Egypte a été le berceau de la modernité et de l’ouverture aux valeurs universelles dès le XIXe siècle déjà avec les penseurs modernes, tels Fahmi, Abdel Razik ou Shaaraoui et que ce n’est qu’à partir des années 1920 que les Frères musulmans  s’y sont implantés suite au coup de pouce des colons britanniques qui voyaient d’un mauvais œil la montée du sentiment national égyptien. Deux siècles plus tard, le même combat continue, celui de l’ouverture contre l’obscurantisme, des valeurs universelles contre la clôture des «constantes nationales», du progrès contre la régression !
Aujourd’hui, l’Egypte comme beaucoup de pays arabes et africains, est traversée par des forces antagoniques et contradictoires qui sont la cause des bouleversements actuels. Ces mouvements de grande ampleur ont une portée historique parce qu’ils détruisent de nombreux clichés. Ceux qui ont cru que l’Egypte était tombée définitivement dans l’escarcelle des Frères musulmans et qu’il est dans «la nature» des Nord-Africains et des Moyen-Orientaux  d’être réfractaires à la démocratie en ont eu pour leur compte, ceux qui ont fait mine de ne pas voir que la démocratie avait des adeptes aussi dans cet Orient «assoupi» en sont pour leurs frais. On ne peut plus ne pas voir ces marées humaines en résistance et on ne peut plus ignorer ce formidable mouvement pétitionnaire porté par des millions de voix.
Si les armées turque et syrienne n’avaient pas eu aussi ce caractère républicain, il y a belle lurette que les salafistes auraient hissé la bannière noire de l’islamisme à Istanbul et Damas.
La situation de l’Egypte nous interpelle car l’enjeu des luttes qui s’y déroulent nous concerne au premier chef. Le projet de société en est la pierre angulaire. Je pense que nos sociétés aspirent à un mieux-être et nos jeunes rêvent de plus en plus de vivre comme dans n’importe quel pays européen. Pourquoi ne pas jouir alors des mêmes libertés et des mêmes droits qu’ailleurs, se disent aujourd’hui Egyptiens et Algériens ?
Evidemment, les Frères musulmans ne l’entendent pas de cette oreille et veulent organiser la société selon les canons d’un islam dont ils prétendent être les dépositaires exclusifs. Tant que le nœud gordien n’est pas tranché, il n’y aura aucune stabilité et le cap vers la modernité ne sera jamais pris. Autrement dit tant qu’on n’aura pas séparé le religieux du politique !
L’Egypte a eu tort de faire confiance à la mouvance islamiste en l’impliquant dans la normalisation de la vie politique après la chute de Moubarak, d’autant qu’elle n’a pas été à l’initiative de la «révolution». En l’acceptant dans l’échiquier politique et en faisant un parti légal, l’Egypte voulait-elle se convaincre une fois pour toutes de la loyauté du partenaire islamiste quant au respect des normes démocratiques ? On touche là à une question centrale et transversale à toutes les sociétés de culture musulmane ! Heureusement que l’armée est intervenue pour mettre un coup d’arrêt à une dérive totalitaire.

Face au totalitarisme de l’islamisme politique, la République est toujours en position de légitime défense

Des courants politiques tendent à présenter Morsi comme un Président «standard», ouvert au débat et à la négociation, alors qu’il est un redoutable dictateur et tente d’accréditer la thèse selon laquelle la responsabilité de l’effusion de sang en Egypte incombe à l’armée. Pour ma part, la seule chose dont je suis sûr est que la violence est d’abord et avant tout l’essence de l’islamisme politique.
Le retour de l’armée à la scène politique est le corollaire direct de la course effrénée de Morsi vers la confiscation totale du pouvoir et du chaos qui en a résulté. Je me réjouis de cette correction de tir, d’autant que l’Algérie sait très bien ce qu’est l’islamisme politique et son rejeton, le terrorisme.
L’Algérie a enduré les pires souffrances, vécu l’innommable et nous continuons à en payer un lourd tribut jusqu’à aujourd’hui. L’islamisme a érigé sa terreur sur une montagne de cadavres et un torrent de sang malgré toutes les lois de clémence et ce bilan macabre, aucune Algérienne, ni Algérien n’est près de l’oublier. Mais après tout, pourquoi devrais-je prendre des gants pour apporter mon soutien à l’armée égyptienne quand je sais que le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie sous la houlette de l’Occident au vu et su de tout le monde ne lésinent sur aucun moyen pour intervenir militairement et asseoir des pouvoirs islamistes fantoches en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ? La liberté coûte très cher et il faut ou se résigner à vivre sans elle ou se décider à payer son prix.
Toute négociation avec Morsi était superflue et il fallait à tout prix rompre avec un processus suicidaire pour tenter de remettre l’Egypte sur les rails de la démocratie. Le monopole de la violence revient légalement à l’armée. Or, le sang coule depuis bien longtemps en Egypte et ce sont les islamistes qui sont à l’origine de tous les attentats qui sont menés contre les citoyens, notamment les femmes, les représentants de la puissance publique, les touristes, les coptes et les églises.
Je ne m’empêcherais pas aussi de vous rappeler que les islamistes n’ont pas hésité un seul instant pour exécuter un militant de la laïcité d’envergure, l’intellectuel Farag Foda en 1992 et poignarder en 1994 … le prix Nobel de littérature, l’immense Naguib Mahfouz !

La démocratie, c’est d’abord des valeurs universelles  

La notion de démocratie  n’est pas comprise de façon univoque par toutes et tous et selon la façon dont on l’entend, elle peut donner lieu à des conclusions tout à fait contradictoires. Elle a été souvent galvaudée et détournée de son sens. C’est pourquoi, elle mérite un éclairage particulier. Qu’est ce qu’un processus démocratique ? Toute la question donc est de savoir si le processus électoral tel qu’il s’est déroulé en Egypte a été démocratique ou pas.
La démocratie, de mon point de vue ne se résume pas uniquement à un décompte et à un bilan de voix. Un scrutin régulier, donc une procédure et une arithmétique aussi parfaites soient-elles, à elles seules n’ont pas vocation à conférer un caractère démocratique à une élection donnée. L’exemple des communales de 90 et des législatives de 91 en Algérie est notoire, où un parti fasciste, le FIS, a été autorisé à participer aux élections. Ce sont d’ailleurs ces «élections» criminelles qui ont servi au FIS de tremplin pour se lancer dans une guerre meurtrière contre le peuple.
En réalité, un processus électoral n’est démocratique que si la régularité du scrutin repose aussi sur des valeurs qui consacrent les libertés individuelles et collectives et prônent l’égalité des femmes et des hommes.
Rien n’est plus fragile que la démocratie. Dans les vieilles démocraties, il existe des garde-fous pour la protéger. En Allemagne par exemple, les lois sont claires à cet égard et la participation aux élections n’est pas ouverte à tout vent et au tout venant. Le règlement interdit purement et simplement toute expression et toute participation aux élections des partis d’obédience fasciste.  Ainsi, la perspective d’un scrutin réellement démocratique ne met en concurrence que des partis démocrates. C’est ce qui devrait prévaloir partout. En Egypte, le parti des Frères musulmans est à des années-lumière de la démocratie et n’a jamais caché son intention d’abattre la transition politique en cours.

L’écueil principal à l’émergence de la démocratie : la sous-estimation du danger de l’islamisme politique

Evidemment le pré-requis à la démocratie, c’est la laïcité. La question est clairement posée dans tous les pays de culture musulmane. Les événements sont suffisamment édifiants aujourd’hui pour s’en convaincre et ce n’est pas un hasard si l’islamisme politique en est le premier ennemi. Un pas de géant sera franchi lorsque les luttes des démocrates tendront vers un objectif unique : la concrétisation de la République laïque. D’où la nécessité de disqualifier les partis islamistes, mais voyez-vous, le système pour des raisons évidentes, est dans la compromission avec eux. Ce qui à ce jour a inhibé toutes les tentatives de démocratisation en Algérie.
D’autre part, il y a une sous-estimation du danger de «l’islamisme modéré» de la part des démocrates. Certains considèrent que les partis islamistes «modérés» sont démocratisables et qu’il faut juste éliminer les «radicaux» tout en caressant dans le sens du poil les «modérés» pour que la paix civile revienne. Ce qui est bien sûr une contrevérité puisque l’islamisme assassine et poursuit sa démonstration de force jusqu’à présent, comme il vient de le faire en assassinant quatre militaires à Tipaza et deux policiers à Tizi-Ouzou et ce, à la veille de la visite du chef du gouvernement !
En fait, les deux visages de l’islamisme, « pacifique» et «violent», appartiennent à la même matrice idéologique. L’islamisme «modéré» n’est pas la démocratie chrétienne.  Mais en Egypte, on semble s’accommoder y compris des salafistes. Ce qui est surréaliste !
Tout cela est visiblement un jeu politicien qui indique que l’on est prêt en Egypte à toute sorte de compromission avec l’islamisme politique. On croit pouvoir diviser la mouvance pour l’affaiblir et lui damer le pion de l’initiative. Quelle naïveté politique ! Pourtant, l’expérience algérienne et de façon plus générale l’expérience mondiale apportent la preuve tous les jours qu’il ne suffit pas de combattre le terrorisme islamiste pour éradiquer l’idéologie qui le porte. Encore faut-il s’attaquer à ses causes et s’inscrire résolument dans le projet de société laïque. C’est précisément cette leçon que doivent garder en mémoire nos amis démocrates égyptiens. Aucun espace d’expression ne doit être laissé à l’islamisme !

L’islamisme politique n’est pas en déclin

On semble surtout oublier que l’islamisme politique est une machine de guerre qu’il est difficile de mettre hors d’état de nuire d’un simple revers de la main. Il dispose de moyens matériels et humains considérables, sans commune mesure avec ceux dont disposent tous les courants démocrates réunis. Son nerf de la guerre, pétro-wahabbite pour l’essentiel, à lui seul donne une idée précise de ses capacités financières mais aussi de sa puissance de feu.
Il a aussi compris de façon précoce l’importance stratégique de la communication. Sa propagande est d’une efficacité terrifiante. Elle est relayée par les instruments de communication les plus porteurs et les plus modernes du moment. En témoigne son porte flambeau, El Jazeera dont le rayon d’action est planétaire. Les chaînes de télévision branchées du style Ikra’a, dédiées aux prêches religieux en direction des jeunes spécialement, ont essaimé dans tous les pays arabes.
Ses sites internet pullulent sur la Toile. Les capacités de nuisance de cet ennemi retors ne s’arrêtent pas là. Il a aussi fait main basse sur le réseau des mosquées. Ce qui lui permet d’entretenir un état de mobilisation permanent et de semer son poison dans la société par les prêches.
«L’islamisme modéré» laisse croire en permanence qu’il se prête au jeu démocratique mais en fait, il s’agit pour lui d’une tactique élaborée qui lui permet de rester en embuscade avant de fondre sur sa proie au moment qu’il jugera opportun. Au fond, il y a chez une partie des démocrates comme une croyance en cette vieille lune qu’est la «régression féconde», mais voyez-vous, cela fait 34 ans qu’on attend que le régime théocratique tombe en Iran ! De tous les dangers, le plus grand est de sous-estimer son ennemi.

Le système actuel est la négation de toute perspective d’essor de l’Algérie

Nous avons perdu trop de temps ! En Algérie, l’islamisme politique a été battu militairement grâce à la riposte de l’ANP et au soutien populaire, mais à ce jour, aucune issue politique n’a pu être dessinée pour ouvrir la voie à la démocratie. Bien au contraire, les risques les plus grands pèsent sur son avenir.
Au lieu de s’engager vers de véritables réformes, le pouvoir passe son temps à louvoyer et à courtiser les islamistes pour se maintenir en course. L’Algérie aurait pu se saisir de cette opportunité exceptionnelle qu’est la crise financière mondiale, pour se placer dans la division internationale du travail et se servir de son levier financier exceptionnel pour prendre une sérieuse option en matière de développement.
Au lieu de prendre le cap de la modernité, le pouvoir s’est fourvoyé dans la loi sur la «Rahma», la pseudo «concorde civile» et la prétendue «réconciliation nationale» tandis que la société n’attendait qu’une chose : la libération de cette camisole de force qu’est l’islamisme politique.
Est-il possible de croire un seul instant à l’émergence d’une société démocratique aussi longtemps que la mosquée reste une tribune politique, le porte-voix de mots d’ordre assassins et que l’Ecole continue d’être sacrifiée sur l’autel du dressage pour faire de nos enfants les kamikazes de demain, sans parler de l’abrutissement des citoyennes et des citoyens par des médias lourds caporalisés ? Au lieu du langage de la vérité qui élève à la conscience politique et invite à la mobilisation de l’effort de toutes et de tous, le pouvoir a préféré et préfère jouer avec le feu du populisme et de la paix sociale. L’heure n’est plus aux demi-solutions. La démocratie ne s’accommode pas de saupoudrages de circonstance qui ne sont en fait que des remake de temps révolus. L’heure aujourd’hui est aux ruptures et je ne cesserais jamais de le dire : sans laïcité il n’y a pas de démocratie.
L’Algérie ne sortira de l’ornière de la crise qu’à la condition de mettre un terme définitif au système maffieux actuel et de refonder la classe politique sur une base réellement démocratique, faute de quoi la voie restera ouverte à toutes les dérives totalitaires et à l’éclatement de l’Algérie.
Moulay Chentouf coordinateur du bureau national du PLD
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